14 juil. 2024

Le cas Dick

Philip Kindred Dick (1928-1982) est très probablement l'auteur de science-fiction ayant eu le plus influencé le cinéma hollywoodien des trois dernières décennies.

Dans Philip K. Dick, Un classique iconoclaste (BiTS, 2016), Rafik Djoumi souligne la différence entre l'auteur et ses contemporains (A.E. Van Vogt, Isaac Asimov) : sa façon totalement libertaire d'aborder les codes de la SF, avec une dimension imaginaire aux frontières de la fantaisie. (...) Par la justesse de son regard sur le monde, il entrevit avec 50 ans d'avance les univers virtuels, le big data, la société de surveillance ou encore le fantasme transhumaniste.

Pourtant les trop rares adaptations officielles d'œuvres de Dick n'ont en fin de compte pas montré une grande fidélité à leur matériaux originels en mettant de côté des thématiques majeures : la réalité, le divin et l'homme, la société de consommation et les médias, la schizophrénie et la drogue, le totalitarisme, l'inversion des hiérarchies et les violences anti-institutionnelles.

Petite sélection : Blade Runner (1982) de Ridley Scott, Total Recall (1990) de Paul Verhoeven, Screamers (1995), Minority Report (2002) de Steven Spielberg, Paycheck (2003) de John Woo ou encore The Adjustment Bureau (2011).

Réactivant le modèle hitchcockien des films de courses-poursuites, les cinéastes livrèrent des films d'action qui, selon leur style et leur personnalité, s'avérèrent esthétiques et/ou pyrotechniques. Parfois des chefs-d’œuvre, souvent des séries B consensuelles, sans aucun discours social ni aucune inquiétude philosophique. Et comme le rappelle Etienne Barillier, dans l'ouvrage collectif Philip K. Dick, Simulacres et Illusions (2015), adapter un de ses textes dépasse le seul concept permettant de cacher l'absence d'ambition narrative et cinématographique.

Fort heureusement, les fondamentaux dickiens ont pénétré et nourri une nouvelle génération de scénaristes et de réalisateurs. Voici quelques-unes des nombreuses pépites audiovisuelles assumant une telle filiation : souvenirs et passés implantés, réalités altérées ou manipulées par une force supérieure, hallucinations, mutations des protagonistes, cauchemar hyperréaliste brouillant les frontières entre rêve et réalité, raison et folie, réel et virtuel.

Rafik Djoumi conclut que l'idée maitresse qui charpente l'œuvre de Dick, et qu'on pourrait qualifier de gnostique, va bien au delà de l'aspect sociologique de ses anticipations, obligeant son lectorat à aller toujours plus loin et se confronter concrètement à toutes ses croyances voire aux limites de sa rationalité.

"Reality is that which, when you stop believing in it, doesn't go away"


Sources / pour aller plus loin:

Olivier Père, Philip K. Dick au cinéma (2004)
Julien Sévéon, Dick n'est pas mort ! (2006)
Yann Coquart, Les Mondes de Philip K. Dick (2015)

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