5 déc. 2018

Matrix = Marx it

Depuis sa sortie en 1999, le premier volet de la trilogie des Wachowski a été sujet à nombreuses lectures, invoquant par exemple Simulacres et Simulation de Baudrillard, les Méditations métaphysiques de Descartes ou l'allégorie de la caverne de Platon. Mais il semble plus que probable qu'il s'agisse d'une vulgarisation pop des théories de Marx & Engels.


Thomas Anderson est un travailleur lambda, employé de bureau et hacker, la nuit venue, sous le pseudonyme de Neo. Contacté par d'autres cyber-délinquants, il découvre que le monde qu'il connait n'est qu'une interface virtuelle - la Matrice - créé par des machines pour contrôler l'humanité qu'elles cultivent pour en tirer de l'énergie.


Nous avons ainsi donc la présentation d'une société avec, chose rare dans un film de science-fiction ou dystopique, l'exposition d'un système de production au sein d'un récit parlant de dévoilement.

Les champs d'êtres humains et la captation de l'électricité produite par leur corps indispensable pour le fonctionnement des machines constituent donc l'infrastructure de cette société, c'est-à-dire le rapport social réel entre les classes au sein du système produisant ses conditions matérielles d'existence. La Matrice se retrouvant être alors l'incarnation de sa superstructure, c'est-à-dire les médias et les arts qui diffusent l'idéologie de la classe dominante pour s'assurer la bonne reproduction sociale. La distinction entre réalité et les apparences est donc calquée sur la distinction marxiste entre science et idéologie.


La vérité ici étant la réalité objective de la production basée sur une exploitation. Une fois déconnecté de la Matrice, celle-ci n'est plus qu'un code. Le peuple est aliéné et seule la connaissance de la réalité production et la maîtrise de l'idéologie la masquant lui permet d'échapper au système et d'atteindre son véritable potentiel. Dans le film, cela permet aux personnages de défier les lois physiques de la simulation et d'y développer des capacités extraordinaires.


Les auteurs soulignent également l'importance essentielle du choix de l'individu, prendre la pilule rouge comme Neo ou reprendre la bleue comme Cypher. Le filet mignon mangé par ce dernier renvoyant au fétiche de la marchandise.


A noter également que toute personne qui n'a pas été déconnectée de la Matrice est potentiellement un agent, c'est-à-dire un élément du système travaillant à son hégémonie et à la contention des intellectuels issus organiquement de la classe opprimée. Le film montre également, au moyen de métaphores et de symbolismes, des moyens de soumission plus répressifs. Comme par exemple, lors de la scène de l'interrogatoire, la perte physique de la capacité de parler ; soit le musellement de la résistance.

Les déjà vus et bugs dans la Matrice révèlent la discontinuité narrative et les contradictions dans la propagande résultant de changements qui selon des nécessités ponctuelles peuvent parfois être incompatibles avec les récits précédents.


A la fin du métrage, Neo alerte les machines que ce qu'elles craignent le plus arrive : la prise de conscience de la masse de leur caractère parasitaire et le début d'une révolution.



Sources / pour aller plus loin
Anthony @ Tutorhunt, Philosophy, Marx And The Matrix (2014)
Sociologeek #2 - Matrix et la socialisation (2016)
Kasey McDonnell, Marxism and the Matrix (2016)